Paroles d’élèves sur l’éducation au Sénégal
Question : Votre instituteur est absent cette semaine, savez-vous pourquoi ?
Fatou, Mohamadou et Aïchata en chœur : « Il est en séminaire avec d’autres maîtres ! »
Question : Ainsi, votre maître retourne à l’école, quel effet ceci produit-il sur vous ? Pensez-vous que les maîtres aussi ont besoin d’apprendre à mieux vous enseigner le français ?
Mohamadou : « C’est une bonne chose que les maîtres continuent à apprendre pour que leurs élèves soient les meilleurs. Si j’étais ministre de l’Éducation, je rendrais cette pratique de séminaires de formation obligatoire ».
Aïchata : « Les maîtres ont besoin d’aller en formation, c’est ce qui leur permet de mieux enseigner, mieux gérer la classe et faire que les élèves comprennent et apprennent mieux ».
Fatou : « Il faut aider les maîtres à se perfectionner en permanence, ceci nous profite toujours ».
La difficulté d’apprentissage du français
Question : Parler français est-il difficile pour toi ?
Fatou : « Le français c’est facile, surtout si tu aimes bien lire. D’ailleurs je trouve que le français est plus facile à lire qu’à parler ».
Mohamadou : « C’est parfois un peu difficile, mais il est nécessaire de l’apprendre ! ».
Aïchata : « Le français, c’est pas si difficile… ».
Le choix de la langue d’enseignement
Question : Préfèrerais-tu que les cours soient en Wolof ou en Poular ?
Fatou : « Je suis Wolof, mais je préfère que les cours soient en français. C’est la langue de la colonisation, on n’a pas le choix ».
Mohamadou : « Je suis aussi Wolof, mais je préfère que les cours soient en français. Nous appartenons à la Francophonie et si nous n’apprenons pas et ne parlons pas le français, nous serons exclus de cet ensemble indispensable à notre développement ».
Aïchata : « Moi je suis Poular, et je préfère aussi que les cours soient en français ».
Analyse des témoignages
Sur la formation continue des enseignants
Les élèves comprennent intuitivement l’importance de la formation professionnelle continue. Leur maturité dans cette réflexion est remarquable – ils saisissent que des enseignants mieux formés bénéficient directement à leur apprentissage. La proposition de Mohamadou de rendre ces formations obligatoires montre une réflexion politique précoce.
Sur l’apprentissage du français
Les réponses montrent des niveaux de difficulté variables mais une acceptation générale. L’observation de Fatou distinguant la lecture de l’expression orale est pertinente – c’est effectivement un défi courant dans l’apprentissage d’une langue seconde.
Sur le choix linguistique
Le plus frappant est l’unanimité pour maintenir l’enseignement en français, malgré leurs langues maternelles différentes (wolof et poular). Leurs justifications révèlent une conscience géopolitique : ils perçoivent le français comme un outil d’intégration internationale et de développement, tout en reconnaissant l’héritage colonial.
Cette discussion illustre la complexité des politiques linguistiques éducatives en Afrique francophone, où se mêlent pragmatisme économique, réalités historiques et aspirations de développement.
Propos recueillis par Pierre Grossmann